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La détention provisoire

Par Maître Ronit ANTEBI - Avocat Cannes

Lorsque l’avocat obtient la remise en liberté de son client devant le Juge des Libertés et de la détention

Après une garde à vue éprouvante, entrecoupée de quelques droits de la défense accordés (entretien avec un avocat, visite d’un médecin, prévenir un proche, repos obligatoire entre les auditions …), qui peut durer jusqu’à 24 heures renouvelables une fois, le mis en cause est déféré devant le Procureur de la République qui décide de sa comparution immédiate devant le Tribunal correctionnel ou de l’ouverture d’une information judiciaire ce qui suppose une comparution devant le juge d’instruction à l’occasion d’un interrogatoire de première comparution avant un autre passage devant le Juge des Libertés et de la Détention.

Lorsque le mis en cause est déféré devant le Procureur de la République un samedi, il ne pourra pas comparaître devant le Tribunal correctionnel avant le lundi suivant. Dans l’intervalle, il y lieu de décider de son placement sous contrôle judiciaire ou de sa détention dans l’attente de l’audience de comparution immédiate.

C’est alors qu’il passera devant le Procureur pis devant le JLD et qu’un débat contradictoire sera tenu sur l’opportunité d’un placement en détention provisoire ou d’une remise en liberté sous contrôle judiciaire…

En cas d’ouverture d’une information judiciaire, le mis en cause sera interrogé par le juge d’instruction qui pourra le mettra en examen et ordonnera son défèrement devant le Juge des Libertés et de la Détention afin qu’à l’occasion d’une audience contradictoire en la présence du Procureur qui prendra ses réquisitions et de l’Avocat de la défense qui developpera ses plaidoiries, il soit ordonné le placement en détention provisoire le temps de l’instruction judiciaire dans la limite de quatre mois renouvelables une fois, ou de la remise en liberté avec placement sous contrôle judiciaire ou encore avec placement sous surveillance électronique.

L’article 144 du Code de procédure pénale dispose que la détention provisoire ne peut être ordonnée ou prolongée que s’il est démontré, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure, qu’elle constitue l’unique moyen de parvenir à l’un ou plusieurs des objectifs suivants et que ceux-ci ne sauraient être atteints en cas de placement sous contrôle judiciaire ou d’assignation à résidence avec surveillance électronique :

  • Conserver les preuves ou les indices matériels qui sont nécessaires à la manifestation de la vérité ;
  • Empêcher une pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ;
  • Empêcher une concertation frauduleuse entre la personne mise en examen et ses coauteurs ou complices ;
  • Protéger la personne mise en examen ;
  • Garantir le maintien de la personne mise en examen à la disposition de la justice ;
  • Mettre fin à l’infraction ou prévenir son renouvellement ;
  • Mettre fin au trouble exceptionnel et persistant à l’ordre public provoqué par la gravité de l’infraction, les circonstances de sa commission ou l’importance du préjudice qu’elle a causé. Ce trouble ne peut résulter du seul retentissement médiatique de l’affaire. Toutefois, le présent alinéa n’est pas applicable enmatière correctionnelle.

Lorsque l’avocat intervient au soutien des intérêts de son client, mis en cause, il a accès au dossier pénal qu’il consulte ; il demande au procureur de lui communiquer le casier judiciaire du prévenu ainsi que le rapport de l’enquêteur social souvent intéressant.

Il va voir au sous-sol du palais de justice son client avec lequel il aura un entretien à l’occasion duquel il préparera sa plaidoirie.

Dans le dossier pénal, et avec les éléments sur la situation personnelle qu’il lui donnera, l’avocat doit trouver matière à plaider en faveur de la remise en liberté de son client.

De première part, il regarde les faits tels qu’ils ressortent des procès-verbaux de police. Et là, il m’est arrivé de comprendre que les policiers avaient commis l’erreur – si l’on peut dire – d’interpeler trop tôt les mis en cause c’est-à-dire avant que les éléments matériels de l’infraction n’aient rencontré le moindre commencement d’exécution. Par exemple, trois individus s’assoient sur le muret d’une propriété en fumant une substance illicite. Les chefs d’interpellation sont relatifs à une tentative de cambriolage avec association de malfaiteurs. Or, si l’un des trois individus prend la fuite à la vue des policiers qui les ont finalement interpelés, ce n’est pas pour fuir la sanction d’une tentative de cambriolage mais pour éviter toute poursuite en cas de consommation de substances illicites, sauf que le juge est saisi in rem et que la procédure ne visait nullement l’infraction tirée de la consommation de produits stupéfiants. Par conséquent, la plaidoirie sur la non réalisation de l’infraction, l’absence d’élément matériel (pas d’effraction, pas de pénétration dans les locaux privés, pas de vidéo-surveillance, pas de réquisitions par les policiers auprès des opérateurs téléphoniques montrant une éventuelle association de malfaiteurs) et l’absence d’élément intentionnel établi, est d’abord concentrée sur les faits du dossier même si l’on est devant le Juge des Libertés et de la Détention. Car ce magistrat hésitera toujours à ordonner le placement en détention d’un individu lorsque le dossier laisse apparaître des doutes sérieux quant à la réalité de l’infraction reprochée et donc à la culpabilité des auteurs présumés. Et cette vérité est d’autant plus vécue à l’audience que dans ces cas de figure, l’on ne pouvait pas soutenir que l’individu avait un casier judiciaire vierge ; bien au contraire, il n’était pas un primo-délinquant, loin de là.

La deuxième partie de la plaidoirie a consisté à démontrer avec les éléments du dossier que le mis en cause n’avait pas lieu de dissimuler les preuves puisque les policiers avaient déjà effectué les perquisitions dans les véhicules et les logements, que le tournevis suspect retrouvé dans le véhicule avait déjà été saisi aux fins de scellés, que le risque de pression sur la victime n’existait pas puisqu’il n’y avait eu aucune plainte déposée et que la propriété aux alentours de laquelle les trois individus avaient été interpelés n’était pas close et n’avait pas de boîte aux lettres attitrée. L’on ignorait donc l’identité de la victime et même d’ailleurs s’il y avait une victime, ce d’autant que les policiers avaient été avisés par des tiers.

Puis nous mettons en exergue les garanties de représentation de nos clients inquiétés. Il est toujours préférable d’avoir un client qui est en mesure de se prévaloir d’un contrat de travail,  d’une famille, d’un logement…s’il est soutien de famille… s’occupe d’un membre handicapé…

J’avais tenté quelques entremises bienheureuses en contactant la famille d’un mis en cause qui me donnait les coordonnées téléphoniques de sa sœur et de ses parents et je leur demandais de m’adresser un texto ou un mail sur mon Iphone attestant de ce qu’il y avait une famille prête à accueillir chez elle le mis en cause, message que je lis au JLD à l’audience et que je produisais ainsi aux débats un dimanche, sans secrétariat, sans fax utilisable…

C’est ainsi que j’ai pu obtenir d’excellentes décisions ayant refusé le placement en détention et ayant ordonné un simple contrôle judiciaire, de sorte que mes clients repartaient libres et ce fut, pour l’avocat que je suis, une belle journée d’audiences…

Ci-après les ordonnances du Juge des Libertés et de la Détention que j’ai rendues volontairement anonymes pour des raisons de confidentialité :

  1. Ordonnance de refus de placement en detention provisoire n 128012015
  2. Ordonnance de refus de placement en detention provisoire n 328012015