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Assurance-vie

Par Maître Ronit ANTEBI - Avocat Cannes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionAssurance-vie et rapport des primes exagérées

Le contrat d’assurance-vie et le rapport des primes manifestement exagérées

Le contrat d’assurance-vie et le rapport des primes manifestement exagérées (article L 132-13 du Code des assurances) L’article L. 132-13 du Code des assurances, issu de la loi du 13 juillet 1930 et de celle du 7 janvier 1981, dispense expressément le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie de l’obligation au rapport à la succession du souscripteur. Le capital ou la rente payables au décès du contractant, à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant. Ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées par le contractant à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés.

Pour ce qui est du capital ou de la rente versés par la compagnie d’assurances, il est naturel qu’ils échappent au rapport. En vertu du mécanisme de la stipulation pour autrui sur lequel repose l’assurance-vie, ces sommes n’ont jamais transité par le patrimoine du défunt. Elles sont au contraire servies au bénéficiaire en vertu d’un droit direct et immédiat que celui-ci tient contre l’assureur (promettant). Pour ce qui est des primes, elles n’ont lieu d’être rapportées que si elles sont excessives au regard des facultés de l’assuré, au point qu’elles paraissent l’appauvrir (V. par exemple pour des applications jurisprudentielles antérieures à la loi du 13 juillet 1930, Cass. civ., 29 juin 1896 : DP 1897, 1, p. 73. – Cass. req., 30 mai 1911 : DP 1912, 1, p. 172 ; S. 1911, 1, p. 560. – V. A. Maurice, L’exagération manifeste des primes versées au titre d’un contrat d’assurance-vie : JCP N 2005, n° 12, 1197).

La jurisprudence a semblé vouloir, un temps, contenir le domaine de l’article L. 132-13 du Code des assurances. Par son célèbre arrêt Leroux, la Cour de cassation avait décidé d’en exclure les contrats de capitalisation, en soumettant au rapport les sommes versées en exécution de ces contrats. Toutefois, la Haute juridiction n’avait pas précisé les assurances-vies susceptibles d’être requalifiées, en raison de l’absence d’aléa, en opération de capitalisation (Cass. 1re civ., 18 juill. 2000 : Juris-Data n° 2000-003006 ; Bull. civ. 2000, I, n° 213 ; Dr. famille 2000, comm. 149, note Leroy : – Sur cet arrêt, V. notam. F. Sauvage et D. Faucher, L’assurance-vie est-elle toujours hors succession ? : JCP N 2000, n° 47, p. 1683 ; M. Grimaldi, L’assurance-vie et le droit des successions : Defrénois 2001, art. 37276, p. 3 ; M. Giray, l’assurance-vie hors successions : la mort d’une fiction ? : Dr. et patrimoine janv. 2001, p. 24 ; P. Julien Saint-Armand et J.-M. Coquema, Coup de pied dans la fourmilière, l’arrêt Leroux du 18 juillet 2000 : Dr. et patrimoine janv. 2001, p. 28 ; J. Ghestin et M. Billiau, Contre la requalification des contrats d’assurance-vie en contrats de capitalisation : JCP G 2001, I, 329. – Dans le même sens, Cass. 1re civ., 29 janv. 2002 : Juris-Data n° 2002-012765 ; Bull. civ. 2002, I, n° 29 ; Dr. famille 2002, n° 9, chron. n° 18, obs. D. Vigneau).

C’est désormais chose faite. Par quatre arrêts rendus le 23 novembre 2004, en Chambre Mixte, la Cour de cassation a énoncé, dans des attendus de principe, que le contrat d’assurance dont les effets dépendent de la durée de vie humaine comporte un aléa au sens de l’article 1964 du Code civil, L. 310-1, 1° et R. 321-20, 20 du Code des assurances et constitue un contrat d’assurance sur la vie (Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004 [4 arrêts] : Juris-Data n° 2004-025781 ; Juris-Data n° 2004-025782 ; Juris-Data n° 2004-025783 ; Juris-Data n° 2004-025784 ; AJF n° 2/2005, p 70, obs. F. Bicheron ; RTD civ. 2005, p. 434, n° 1, obs. M. Grimaldi ; D. 2004, p. 916, note H. Groutel ; D. 2005, p. 1905, note B. Beignier).

La Cour de cassation s’est prononcée contre la requalification des contrats d’assurance-vie en contrats de capitalisation (JCP G 2005, I, 111. – H. Lécuyer, Promesses jurisprudentielles d’une longue vie à l’assurance-vie : Dr. famille 2005, n° 3, chron. 6. – Ph. Grosjean, Les nouvelles frontières de l’assurance-vie. [À propos de Cass. civ. ch. mixte, 23 nov. 2004] : JCP N 2005, n° 1-2, 1003. – F. Leduc et P. Pierre, « Assurance-placement » : une qualification déplacée : Resp. civ. assur. 2005, Étude n° 3. – Rappr. Cass. 1re civ., 17 mars 2005, n° 03-19.408 : Juris-Data n° 2005-027631. – CA Nîmes, ch. civ. 1, sect. A, 10 janv. 2006 : Juris-Data n° 2006-313880. – CA Bordeaux, ch. 1, sect. B., 13 mars 2006 : Juris-Data n° 2006-299192. – CA Nancy, ch. 1, sect. 1, 10 janv. 2006 : Juris-Data n° 2006-303158. – CA Douai, ch. 1, sect. 1, 19 sept. 2005 : Juris-Data n° 2005-299031. – CA Limoges, ch. civ., sect. 1, 26 mai 2005 : Juris-Data n° 2005-285319 : aléa retenu en dépit de la maladie du souscripteur décédé un mois après la souscription du contrat. – Comp. CA Angers, 1re ch. B, 11 mai 2005 : Juris-Data n° 2005-284810).

Il n’en va différemment que si les primes sont manifestement exagérées eu égard aux facultés du souscripteur. C’est désormais sur ce terrain que rouleront les litiges, d’autant plus que la Cour de cassation entend se livrer à un contrôle de la qualification des primes manifestement excessives. La Cour régulatrice précise que l’excès manifeste des primes s’apprécie au moment du versement, au regard de l’âge ainsi que des situations patrimoniale et familiale du souscripteur (Cass. ch. mixte, 23 nov. 2004, n° 01-13592 et n° 02-17507, préc. – Cass. 1re civ., 17 févr. 2005, n° 01-10.471FD : Juris-Data n° 2005-027006. – Cass. 1re civ., 24 févr. 2005 : n° 04-12.617 : Juris-Data n° 2005-027148. – Cass. 2e civ., 8 mars 2006, n° 04-19177, inédit. – CA Paris, ch. 2, sect. B., 19 janv. 2006 : Juris-Data n° 2006-303821. – CA Aix-en-Provence, ch. civ. 1, sect. B., 9 mars 2006 : Juris-Data n° 2006-306033, primes manifestement exagérées représentant 78 % de l’ensemble du patrimoine du souscripteur dont l’âge était par ailleurs avancé, le montant doit être en conséquence partiellement rapporté à la succession. – CA Nîmes, ch. civ. 1, sect. B., 20 juin 2006 : Juris-Data n° 2006-313861, montant des souscriptions manifestement exagéré au regard des fonds dont le souscripteur n’avait que l’usufruit pour la souscription des primes. – CA Nîmes, ch. civ. 1, sect. B., 11 oct. 2005 : Juris-Data n° 2005-292403. – CA Nîmes, ch. civ. 1 A., 27 sept. 2005 : Juris-Data n° 2005-306947, primes d’un montant de 86866 euros manifestement excessives compte tenu de l’âge de la défunte [91 ans] lors de la souscription du contrat d’assurance, de l’absence manifeste d’utilité de l’opération pour elle, du montant de ses ressources mensuelles (soit 946 euros) ainsi que de l’actif net successoral s’élevant à 38 592 euros. – CA Reims, ch. civ. sect. 2, 15 déc. 2005, primes manifestement excessives, d’un montant total de 35 000 euros, eu égard aux facultés de la défunte, l’actif net de la succession s’élevant à 43 000 euros, rapport à la succession de la totalité des primes et non de la somme due en exécution du contrat. – Comp. CA Paris, ch. 2, sect. B., 8 déc. 2005, op. cit.. – CA Angers, 1re ch. B., 11 mai 2005, op. cit.).

La solution est nouvelle. La jurisprudence antérieure abandonnait le caractère manifestement exagéré des primes à l’appréciation souveraine des juges du fond (V. par exemple, Cass. 1re civ., 11 mars 1997 : Juris-Data n° 1997-001035 ; Bull. civ. 1997, I, n° 94 ; JCP N 1997, n° 52, p. 1577, note J.-G. Raffray. – Cass. 1re civ., 11 juill. 1997 : Juris-Data n° 1997-003161 ; Bull. civ. 1997, I, n° 217 ; JCP G 1998, I, 133, n° 11, obs. R. Le Guidec ; Dr. famille 1997, comm. 146, obs. B. Beignier ; Defrénois 1998, art. 36765, p. 414, obs. G. Champenois. – Cass. 1re civ., 20 févr. 2001, n° 99-10.884 ; Juris-Data n° 2001-008338 ; RJPF, mai 2001, p. 26, obs. Ph. Delmas Saint-Hilaire). Il reste que les critères mis en oeuvre par ces derniers coïncidaient, pour une large part, avec ceux aujourd’hui fixés par la Cour de cassation (V. par exemple, CA Paris, 27 janv. 2000 : Juris-Data n° 2000-106593 ; Dr. famille 2000, n° 5, comm. 61, note B. Beignier. – CA Paris, 12 sept. 2000 : Juris-Data n° 2000-124179. – CA Pau, 18 juin et 28 nov. 2001 : Juris-Data n° 2001-175528 et n° 2001-175578 ; Dr. famille 2001, comm. 130, obs. B. Beignier. – CA Dijon, 21 déc. 2001 : Juris-Data n° 2001-169154. – CA Besançon, 27 févr. 2002 : Juris-Data n° 2002-171705).

Lorsque le prétendu contrat d’assurance correspond, en dépit de la conception de l’aléa retenue par la Cour de cassation, à une opération de capitalisation, il demeure exclu des dispositions du Code des assurances. La somme versée en exécution de la convention doit être rapportée à la succession, les articles L. 132-12 et L. 132-13 ne s’appliquant pas aux contrats de capitalisation (CA Reims, 2 oct. 2004 : Juris-Data n° 2004-257517 ; Dr. famille 2005, n° 2, comm. p. 39).

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