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Réforme de la justice : l’accès plus difficile aux prétoires

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiProcédure civileLa réforme de la justice : l’accès plus difficile aux prétoires

Déc

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La réforme de la justice : l’accès plus difficile aux prétoires

Contrairement à ce qui a été annoncé lors de la genèse des projets de réforme de la procédure civile, notamment le décret du 11 décembre 2019 en application de la loi de programmation du 23 mars 2019, les mesures qui ont été prises compliquent la vie de l’Avocat que je suis et l’expose encore davantage à des risques de nullité, d’irrecevabilité ou de caducité voire de responsabilité professionnelle.

D’où L4obligation de décupler toute la vigilance nécessaire avant de lancer une procédure au soutien des intérêts de ses clients, ce qui justifie encore les honoraires que l’Avocat se doit de leur expliciter.

Curieusement, l’assignation qui est l’acte introductif d’instance par excellence (celui qui permet de saisir les Tribunaux) devient plus complexe à rédiger et à régulariser qu’avant la réforme.

Plus complexe à rédiger car il y a désormais des mentions obligatoires à insérer dans l’acte qui sont prescrites à peine de nullité ou d’irrecevabilité soulevée d’office.

Avant cette réforme qui ne porte que son nom, il existait des mentions obligatoires mais elles étaient moins nombreuses et si l’Avocat ou l’Huissier les omettait, elles n’étaient sanctionnées que si le vice de forme faisait grief (entraînait un préjudice).

Les dernières réformes de la justice sanctionnent désormais, sans égard aux intérêts du justiciables, des omissions même les plus anodines.

La réforme de la justice : l’accès plus difficile aux prétoires - Avocat à Cannes - Maître AntebiDonc l’Avocat tremble devant sa feuille de papier à l’effet de s’assurer qu’aucune des mentions obligatoires sanctionnées à peine de nullité ou d’irrecevabilité n’est omise.

Le niveau d’exposition de l’Avocat au risque de responsabilité professionnelle est optimisé.

Les instances professionnelles ne sont pas parvenues à empêcher ces réformes qui ont pour effet de compliquer l’accès à la justice plutôt que de l’améliorer.

De fait, l’Avocat ne doit pas se méprendre sur la question de savoir si l’affaire relève d’une matière avec représentation obligatoire ou d’une matière sans représentation obligatoire. Dans le doute, j’élabore mon assignation comme s’il s’agissait d’une matière avec représentation obligatoire. La conséquence est que l’autre partie qui est assignée va avoir le réflexe de saisir un Avocat alors que si la matière est sans représentation obligatoire, elle aurait pu faire l’économie des frais d’Avocat. Or il y a des matières qui peuvent semer le doute. En effet qu’en est-il si je demande en référé la désignation d’un administrateur pour une succession difficile ? Pour apprécier la matière avec Avocat obligatoire, se fie-t-on à la désignation de l’administrateur ou à la succession ?

Et si d’aventure l’Avocat du demandeur fait le choix de considérer que la matière n’est pas à représentation obligatoire et qu’il assigne sans insérer dans son acte les mentions relatives à la représentation obligatoire, le Magistrat voire la partie la partie adverse pourront relever cette irrecevabilité non régularisable. Il faudra alors tout recommencer et réintroduire une action en justice en déposant une nouvelle assignation faisant mention de la représentation obligatoire. Mais en se désistant de la première instance pour une question de pure procédure, il peut arriver que le défendeur touché demande un article 700 (remboursement des frais d’Avocat). Le client du demandeur est ainsi éprouvé financièrement.

Décidément, je ne comprends pas en quoi cette réforme de la justice a pu faciliter l’accès du justiciable aux prétoires.

L’action en revendication des héritiers du donateurAutre difficulté ajoutée par la réforme de la justice de 2019 : il faut que l’assignation fasse état des diligences entreprises en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. Cette mesure a été déjà débouché sur une jurisprudence de la cour d’appel en vertu de laquelle si la mention qui fait défaut peu se régulariser en cours d’instance, il n’en est pas de même si l’assignation a été signifiée avant la démarche valant tentative de rapprochement amiable. Autrement dit, on ne peut pas régulariser en envoyant en cours de procès à la partie adverse une proposition amiable. Si une telle situation se présentait, il faut se désister de l’instance première, et recommencer l’assignation après avoir bien vérifié que la tentative de rapprochement amiable a bien eu lieu avant la signification dudit acte introductif.

Cette mesure, outre qu’elle est sanctionnée assez gravement (par une irrecevabilité relevée d’office par le Juge), a vocation à infantiliser les Avocats. Car, en pratique, l’Avocat est tout à fait à même de savoir si les circonstances permettent dans une affaire considérée, de tenter le rapprochement amiable, ou pas, étant précisé qu’il ne sert à rien de le mettre en mouvement systématiquement lorsque l’on connaît les éléments de l’affaire, les sensibilités et les ressentiments entre les parties.

L’objectif évident du législateur a été ici de déstocker les affaires judiciaires par tout moyen, même les moins bons. Il pense qu’en développant les tentatives de conciliation, on va décharger le travail des magistrats. Cette assertion est fausse. D’une part, la tentative de rapprochement amiable est toujours à géométrie variable. On ne peut pas l’imposer systématiquement dans toutes les affaires civiles. Mais à supposer qu’elle soit de plus en plus répandue en pratique, il reste fort regrettable que le législateur en ait fait une condition de régularité des actes introductifs d’instance.

En sus, le législateur et le pouvoir réglementaire n’ont pas donné les moyens (même s’il est prévu l’augmentation du budget de la justice pour 2021). En effet, lorsque les justiciables appellent la mairie ou les Antennes de justice pour demander un rendez-vous avec un conciliateur de justice, ils sont mal accueillis en ce sens qu’il leur est rétorqué que les rendez-vous sont à six mois ou bien qu’il n’y a pas pour le moment de conciliateurs disponibles.

La réforme de la justice : l’accès plus difficile aux prétoires - Avocat à Cannes - Maître AntebiLorsque l’affaire réussit finalement à être enrôlée, les premières audiences de mise en état sont transformées en invitation à dépêcher un médiateur de justice au sein du palais de justice. Encore une étape très souvent inutile surtout en certaines matières techniques comme le droit des successions. A l’occasion des réunions tenues en la présence d’un Juriste et d’un Médiateur de formation le plus souvent en psychologie, il est tout de go précisé que les intervenants n’ont pas vocation à lire l’assignation ni à entrer dans les considérations techniques du dossier et dans ces conditions, toute discussion est nécessairement, à mon sens, vouée à l’échec.

Nous reviendrons dans d’autres articles sur les autres mesures également néfastes à l’intérêt du justiciable.

Mais au final, si l’on compare l’assignation avant la réforme de la justice en 2019 et l’assignation en 2021, on voit que l’acte est devenu plus long, plus complexe et sujet à de plus graves nullités.

Dans ces conditions, je ne vois pas en quoi la justice est devenue plus accessible ou plus rapide pour les justiciables.

R Antebi Avocate à Cannes

Publié le 20 décembre 2021

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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