Nicole fait valoir que sa mère Monique avait loué un appartement à sa fille Brigitte, pour un loyer minoré de presque la moitié de sa valeur entre 1985 et 1994.
Brigitte se serait ainsi vu octroyer un avantage d’une valeur de 10000€.
Nicole soutient que la mise à disposition de sa sœur Brigitte, de cet appartement, pour un loyer ne correspondant pas à la valeur locative du bien, procède d’une volonté d’avantager sa sœur Brigitte au titre d’une intention libérale, ce qui caractérise une donation indirecte.
Brigitte rétorque que le loyer qu’elle payait correspondait aux échéances de remboursement de l’emprunt souscrit par sa mère pour l’acquisition de ce bien. Elle ajoute qu’elle avait entièrement équipé, à ses frais, la cuisine de l’appartement. Elle conteste l’existence d’un appauvrissement de sa mère. Elle soutient qu’en application de la jurisprudence actuelle, cette location minorée ne peut en aucun cas constituer une libéralité sujette au rapport.
Le tribunal judiciaire de Bordeaux, dans un jugement rendu le 7 novembre 2023, se réfère à l’article 851 du code civil selon lequel le rapport est dû en cas de donation de fruits ou de revenus.
La donation suppose un acte d’appauvrissement qui procède une intention libérale. La preuve de cet appauvrissement incombe à celui qui se prévaut de l’existence d’une donation rapportable. Elle peut être rapportée par tout moyen.
En application des articles 584 et 586 du Code civil, les loyers constituent des fruits civils d’un bien. La renonciation aux fruits du bien génère un appauvrissement et si elle est réalisée dans une intention libérale, s’analyse en une libéralité. Si le donataire est un héritier, la donation indirecte est soumise au rapport à la succession.
En l’occurrence, le montant du loyer dont il a été donné quittance ne correspondait pas à la valeur locative du bien. Peu importe que le montant des loyers versés a permis de rembourser un éventuel emprunt souscrit par la propriétaire.
Cette renonciation à une partie des fruits caractérise un appauvrissement du patrimoine de la mère. Or, Brigitte n’établit pas la réalité de la contrepartie alléguée à cet appauvrissement qui aurait consisté dans un équipement de cuisine. L’intention libérale apparaît dès lors caractérisée. Aucune contrepartie à cette occupation par un loyer minoré n’est établie. En conséquence, il y a lieu de dire que Brigitte devra rapporter à la succession de sa mère la somme de 10000€ au titre de son occupation du bien.
On peut toujours mettre en parallèle cette décision de première instance datée de 2023 avec la jurisprudence de la Cour de cassation qui retient la notion de commodat ou prêt à usage lorsque les parents mettent à disposition de leur enfant à titre gracieux un appartement, sans contrepartie de loyers, même minorés. Dans ce cas, la Cour suprême a pu juger que cette mise en disposition gratuite n’était pas une donation indirecte soumise au rapport à la succession, en l’absence d’intention libérale.
Ronit ANTEBI | Avocate au barreau de GRASSE
Maître Antebi répond à vos questions en droit des successions
Le cabinet de Maître Ronit ANTEBI Avocat traite de nombreux dossiers en droit des successions dans toute la France et particulièrement dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette discipline du droit s’exerce le plus souvent à l’ouverture de la succession c’est-à-dire au jour du décès.