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L’obligation de restituer les meubles d’une succession

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionL’obligation de restituer les meubles d’une succession

Mai

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L’obligation de restituer les meubles d’une succession

L’obligation de restituer les meubles d’une succession acquis et possédés de mauvaise foi (article 2279 devenu 2276 du Code civil)

La Cour d’appel de Montpellier a rendu un arrêt en date du 18 mai 2004 (RG : 02/00228, Légifrance) dont l’examen est intéressant.

En effet, lorsque l’on pratique le droit des successions, l’on rencontre différends cas de figure.

L’un d’eux consiste dans le fait pour un tiers de se retrouver en possession de biens meubles (bijoux, espèces, bons du Trésor, tableaux de maître …) après la mort du de cujus, prétextant qu’il les aurait reçus de lui de bonne foi, en donations ou en dons manuels.

Les ayants droits et/ou légataires universels entendent contester la qualification de « donation manuelle » mais ne peuvent pas toujours le faire sur le terrain de l’absence de consentement ni sur le fondement de l’insanité d’esprit du donateur, faute de preuves suffisantes.

Une possession clandestine

L’arrêt présente de l’intérêt en ce qu’il se positionne sur le fondement de la possession de mauvaise foi et de l’ancien article 2279 du Code civil (devenu l’article 2276 du même Code) selon lequel « En fait de meubles, la possession vaut titre. Néanmoins, celui qui a perdu ou auquel il a été volé une chose peut la revendiquer pendant trois ans à compter du jour de la perte ou du vol, contre celui dans les mains duquel il la trouve ; sauf à celui-ci son recours contre celui duquel il la tient ».

Les faits de l’espèce

En l’espèce, il était acquis que les époux X étaient en possession de meubles appartenant à la défunte, Mme Y…, d’une valeur de 6 500 000 francs.

Madame Y … était une riche dame, propriétaire de nombreux tableaux, manteaux de fourrures, bons anonymes, plans d’épargne et assurances vie ainsi que des espèces.

Cependant, Madame Y… avait vécu quelques mois avant sa mort au domicile des époux X…

A l’occasion d’une perquisition à leur domicile et dans le coffre-fort qu’ils avaient ouvert à la banque dans le cadre d’une enquête pénale, les époux X… ont été retrouvés en possession d’objets de valeur et diamants et bijoux acquis à l’aide des espèces de Mme Y.

Les époux X… ont également été auditionnés par les enquêteurs.

Il en est résulté des mensonges et des omissions portant sur la nature, le nombre et l’importance des biens ayant appartenu à la défunte en leur possession.

La Cour d’appel de Montpellier a jugé que la révélation de ces mensonges sous la pression de l’enquête pénale a été caractéristique d’une possession clandestine.

Dépendance de la défunte

La Cour d’appel de Montpellier a jugé que même si la défunte avait loué  un studio indépendant au rez-de-chaussée du pavillon des époux X…, elle était dépendante de Madame X…, qui avait été embauchée en 1990 et pourvoyait à tous les besoins quotidiens de cette femme âgée et dépressive.

Il résulte du dossier que son médecin traitant suivait Madame Y… pour une pathologie de l’humeur qui se manifestait par de l’anxiété et des tendances suicidaires.

Si cette pathologie ne nécessitait pas une mise sous tutelle de Madame Y…, ainsi que le tribunal judiciaire de Perpignan l’a jugé dans sa décision du 4.5.1992, il n’en reste pas moins que cette femme âgée de 88 ans qui avait perdu son mari deux plus tôt, était très fragile psychologiquement et dépendante de Madame X… qui, de par ses fonctions de femme de ménage, s’est introduite dans le quotidien de Madame Y… et a su s’en rendre indispensable.

Dans ces circonstances de communauté de vie, la possession de Madame X… a été jugée précaire.

L’importance des dons

Enfin l’importance des dons, même eu égard à la fortune de Madame Y…, en faveur d’une personne qui est son employée depuis un an ou deux, rend invraisemblable l’existence de dons manuels, d’autant que Madame Y… avait dans le même temps rédigé un testament déposé chez son notaire, pour léguer la quotité disponible de sa fortune à 1’Association des Paralysés de France, légataire universelle, à charge pour elle d’effectuer divers legs particuliers à des oeuvres caritatives.

En outre, Monsieur X… a adressé à Monsieur R… en 2002 et 2003 deux lettres dans lesquelles il souhaitait soulager sa conscience auprès de l’éternel en relatant les circonstances des décès de Monsieur et Madame Y… et il reconnaissait avoir fait pression avec son épouse sur Madame Y….

Dès lors la possession étant viciée, Madame X… ne peut se prévaloir de dons manuels d’une valeur de 6 500 000 francs, dont à aucun moment elle ne précise les circonstances ou les raisons, si ce n’est en mettant en exergue l’extrême générosité de Madame Y…, titulaire d’une très grande fortune, dont son fils avait déjà largement bénéficié de la part de son père. Madame X… ne peut donc bénéficier de la protection du possesseur résultant de l’article 2279 du code civil.

Ces meubles ont été obtenus du vivant de leur propriétaire, âgé de 88 ans, décédé par suicide, très fragile psychologiquement et dépendant de la prétendue donataire qui était sa femme de ménage.

Sanction d’une possession sans droit ni titre

Ainsi, la Cour d’appel de Montpellier a jugé que les époux X possédaient sans droit ni titre dans la mesure où les éléments de la cause font suspecter que la défunte n’avait pas eu l’intention réelle de gratifier ses employés de ménage, que sa santé mentale la rendait fragile et vulnérable. Les éléments du dossier médical ne permettant pas d’établir une insanité d’esprit au sens de l’article 901 du Code civil, ni d’annuler les engagements de la défunte, c’est sur le fondement de la possession précaire en matière mobilière que les juges du fond ont fait la prouesse intellectuelle de sanctionner une situation illégitime en obligeant le possesseur de mauvaise foi à restituer la succession mobilière au légataire universel.

Ronit ANTEBI Avocat droit des successions, le 2 mai 2017

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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