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La révocation de la donation pour cause d’ingratitude et la prescription de l’action

Par Maître ANTEBI – Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

La révocation de la donation pour cause d’ingratitude et la prescription de l’action

Révocation d’une donation et délai de prescription

Aux termes de l’article 955 du Code civil,

La donation entre vifs ne pourra être révoquée pour cause d’ingratitude que dans les cas suivants :

  1. Si le donataire a attenté à la vie du donateur ;
  2. S’il s’est rendu coupable envers lui de sévices, délits ou injures graves ;
  3. S’il lui refuse des aliments.

Selon l’article 957 du Code civil :

La demande en révocation pour cause d’ingratitude devra être formée dans l’année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour que le délit aura pu être connu par le donateur.

L’Arrêt de la Cour d’appel d’Aix en Provence, (1ère chambre B) du 9 septembre 2010 (RG n° 09/14264, Lexbase) donne une fameuse illustration de la prescription telle qu’elle s’applique en pratique.

En cette espèce, Mme A épouse A avait fait donation à sa fille B d’un terrain sis à Nice sur lequel cette dernière avait fait édifier une maison composée de deux appartements indépendants.

Mme B (la fille donataire) faisait assigner ses parents devant le Tribunal judiciaire de Nice pour les voir expulser d’un des deux appartements et les condamner au paiement d’une indemnité d’occupation ainsi qu’aux frais de remise en état.

Les parents demandaient reconventionnellement la révocation de la donation pour cause d’ingratitude.

La révocation de la donation pour cause d’ingratitude et la prescription de l’actionEn première instance, un jugement du 15 janvier 2007 prononçait la révocation de ladite donation pour ingratitude. Il avait débouté la fille de son grief tiré de l’irrecevabilité de l’action en révocation de la donation pour cause d’ingratitude ; elle soutenait, en vain, que le délai d’une année à compter du jour des faits qui lui étaient reprochés pour agir en justice, était prescrit.

En appel, un arrêt de la Cour d’Aix en Provence, en date du 15 janvier 2008, a confirmé le jugement en toutes ses dispositions.

Par arrêt du 20 mai 2009, la Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt d’appel en ce qu’il a débouté la donataire du grief tiré de l’irrecevabilité de l’action en révocation de donation en raison de la prescription.

En effet, la Cour de cassation a jugé que si, aux termes de l’article 957 du Code civil, la demande en révocation pour ingratitude doit être formée dans l’année du jour du délit imputé au donataire ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur, le point de départ de ce délai était nécessairement repoussé s’agissant de faits d’ingratitude qui s’étaient prolongés dans le temps, et devait commencer à courir à compter du jour où le dernier fait d’ingratitude avait cessé, tandis que d’autres faits d‘ingratitude sont  nécessairement instantanés (telle que l’action en expulsion) de sorte que le point de départ du délai s’apprécie différemment.

Les parents avaient invoqué les faits d’ingratitude suivants :

  1. L’action en expulsion engagée par leur fille à leur encontre et le maintien de cette action
  2. Son refus de restituer un véhicule que els parents lui avait prêté
  3. La dégradation par la fille de ce véhicule
  4. Le détournement de meubles et le refus de les restituer
  5. L’introduction de diverses actions prud’homales contre sa mère pour harcèlement moral

Tandis que les parents soutenaient que les faits d’ingratitude de leur fille étaient indivisibles, la cour de cassation a considéré qu’ils ne l’étaient pas et que chacun des faits devait s’apprécier de manière distincte car s’ils relèvent de ce qui peut caractériser l’injure grave, ils peuvent être de nature différente, de gravité inégale, et plus ou moins en rapport avec l’objet de la donation.

La Cour de cassation a jugé que l’action en révocation pour cause d’ingratitude était prescrite en ce qui concerne les faits d’expulsion en partant du constat que plus d’une année s’était écoulée entre l’assignation introductive d’instance (20 octobre 2003) et les conclusions des parents, formalisant pour la première fois, leur demande reconventionnelle en révocation pour cause d’ingratitude (11 janvier 2006) de sorte que leur action en révocation pour cause d’ingratitude était prescrite au visa de l’article 957 du Code civil.

En ce qui concerne le détournement des meubles ayant appartenu à une cliente de l’entreprise de transport de la donatrice, il s’agit d’une injure qui revêt un caractère instantané et le point de départ du délai d’action en révocation de la donation doit être fixé au plus tard au 29 octobre 2022, date à laquelle la donatrice a réclamé à sa fille de restituer les meubles. La demande de révocation pour ingratitude de ce chef ayant été formalisée par les conclusions reconventionnelles susvisées du 11 janvier 2006, est donc prescrite.

En revanche, en ce qui concerne le refus de restituer le véhicule, la demande de révocation de la donation pour cause d’ingratitude formalisée par la mère dans des conclusions prud’homales du 16 août 2006, n’est pas prescrite si l’on apprécie le point de départ du délai à compter de la date du refus de restituer tel que formulé par la donataire dans des conclusions du 15 juin 2006. Mais cette action ne peut prospérer au fond car elle ne peut être qualifiée d’« injure grave » au sens des dispositions de l’article 955 du Code civil.

De même le fait de dégradation du véhicule qui serait survenu en 2008 ne peut prospérer car la plainte qui a été déposée par la mère n’a pas permis de déceler l’identité de l’auteur.

Il s’ensuit que les parents ont été déboutés de leur action reconventionnelle en révocation de la donation pour cause d’ingratitude et que l’arrêt d’appel a été cassé pour violation des dispositions des articles 955 et 957 du Code civil.

Publié par Me Ronit ANTEBI Avocate en droit des successions à Cannes

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