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La donation rapportable et la preuve de l’intention libérale

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionLa donation rapportable et la preuve de l’intention libérale

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La donation rapportable et la preuve de l’intention libérale

En droit français, une donation est présumée rapportable.

Au décès du défunt, le donataire doit restituer la valeur de ce qu’il a perçu à la succession. Il hérite en moins prenant.

Il n’y a pas de difficulté lorsque la donation qui lui a été consentie a été notariée. Dans ce cas, une clause prévoit le rapport ou l’absence de rapport.

Mais le plus souvent, les membres de la famille se rendent des « petits services pécuniaires » et lorsque le défunt décède sans avoir reçu le remboursement du prêt qu’il a consenti de manière informelle à son futur héritier, on peut envisager que cette situation ait donné lieu à une donation dite « déguisée » qui ne dit pas son nom.

L’enjeu est pour le cohéritier qui s’estime lésé de demander le rapport à la succession afin de rétablir l’équité dans le partage successoral.

Mais la qualification de donation déguisée ne va pas de soi.

En effet, l’article 894 du Code civil dispose que :

« La donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte ».

Cette définition suppose que l’on doit prouver non seulement qu’il y a eu don (élément matériel) mais aussi que le donateur a eu l’intention de se dépouiller irrévocablement au profit du bénéficiaire de ladite donation, quitte à s’appauvrir personnellement.

C’est que l’on appelle l’animus donandi.

Comment l’établir si d’aventure l’affaire devait être portée en justice ?

Par tous moyens évidemment, mais lesquels en pratique ?

Un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation rendu le 8 février 2017 (pourvoi n°15-21.366, Légifrance) est intéressant car il offre une illustration de ce en quoi peut consister cet « animus donandi » qu’il importe d’établir si l’on veut emporter la qualification de donation rapportable.

La donation rapportable et la preuve de l’intention libérale - Avocat à Cannes - Maître AntebiEn l’espèce, une personne âgée, Ariette, avait consenti six prêts de sommes d’argent par actes sous seing privé successifs à son fils Z…

Z a rempli ses déclarations fiscales d’ISF en mentionnant ces dettes de remboursement des prêts au titre du passif de son patrimoine.

L’Administration fiscale lui a notifié une proposition de rectification selon la procédure de l’abus de droit, au motif que ces dettes portées au passif n’étaient pas déductibles, s’agissant de donations déguisées.

Après mise en recouvrement, Z a attrait l’Administration fiscale devant le Tribunal de Grande Instance (aujourd’hui le Tribunal Judiciaire).

Il soutenait que le prêt de somme d’argent est le contrat par lequel le prêteur remet à l’emprunteur une somme, à charge pour ce dernier de la lui rendre et que la législation n’interdisait pas aux membres d’une même famille de se consentir des prêts remboursables.

La Cour d’appel de Paris a rendu un arrêt le 14 avril 2015 en donnant raison à l’Administration fiscale.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en cassation de ce chef.

Les Juges ont considéré en effet que ces prêts de somme d’argent, bien qu’autorisés par la loi, devaient recevoir la qualification de donations déguisées car les caractéristiques des actes sous seing privés révélaient que la donatrice avait eu l’intention de gratifier l’emprunteur en renonçant à lui demander à terme remboursement.

En effet, le fait que certains actes ne soient pas interdits par la loi ou la règlementation n’est pas suffisant en soi pour faire obstacle à ce que cet acte soit fictif et ait vocation à en dissimuler un autre.

Après examen de l’ensemble des caractéristiques des actes sous seing privé, réunissant un faisceau d’indices concordants, les Juges du fond ont eu raison de relever que ces prêts ne stipulaient pas d’intérêts, et compte tenu du lien de parenté liant les parties, de l’âge avancé du prêteur, de la succession des prêts et de l’absence de tout remboursement (la donatrice, de son vivant, n’avait jamais réclamé le moindre remboursement à son fils), l’intention libérale d’Ariette était démontrée de sorte que les actes en cause constituaient en réalité des donations et non des prêts, l’âge de 99 ans de la donatrice lors du terme du premier prêt rendant aléatoire l’obligation de remboursement.

Tels sont les éléments qu’il convient de mettre en exergue afin de démontrer l’intention libérale propre à caractériser la donation déguisée rapportable.

En cette matière, le concours d’un Avocat est toujours recommandable afin de bénéficier d’une aide et d’une assistance à constituer et à exploiter les données nécessaires qui peuvent ressortir des actes considérés comme de critères propres à la situation personnelle des parties.

Publié le 4 novembre 2021

Me Ronit ANTEBI Avocate à Cannes

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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