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Aide alimentaire : donation ou pas ?

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionLa Cour de Cassation tranche sur la nature de l’aide alimentaire dans les successions familiales

Sep

13

La Cour de Cassation tranche sur la nature de l’aide alimentaire dans les successions familiales

Dans un arrêt rendu par la première chambre civile de la Cour de cassation le 15 novembre 2017 (numéro de pourvoi 16- 26. 395, Légifrance), il s’agissait de savoir si l’aide alimentaire procurée par un parent à l’égard de son enfant pouvait être considérée comme une donation.

En l’espèce, Micheline Y … est décédée le 28 juillet 2010, laissant pour lui succéder ses deux enfants Marie-Sibylle et Arnault.

Le jugement a ordonné le partage de la succession.

La cour d’appel de Paris a confirmé cette décision et a dit pour droit que les sommes versées par la mère à la fille de 1992 à 2010 pour un montant de 619 275€ ne doivent pas être rapportées à la succession.

Monsieur Arnault a intenté un pourvoi en cassation.

Il explicite que la Cour d’appel a manqué de base légale au regard des articles relatifs à l’obligation alimentaire et au partage judiciaire.

L’article 205 du Code civil dispose :

Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère qui sont dans le besoin.

L’article 207 du même Code prescrit :

Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.

Il faisait grief à l’arrêt d’appel d’avoir dit  que les sommes versées par Micheline à sa fille Marie-Sibylle entre 1992 et 2010, étaient dues au titre de l’obligation alimentaire et d’avoir écarté, en conséquence, la qualification de donation (soumise en principe à rapport).

Il lui était fait grief de s’être borné à relever que Marie-Sibylle avait divorcé en 1990, qu’elle n’avait pas retrouvé d’activité professionnelle régulière et qu’elle n’avait pas eu de revenus provenant de son activité depuis 1992.

Il lui était fait grief de n’avoir pas avoir vérifié si le patrimoine de sa soeur ne lui permettait pas d’assurer sa propre subsistance, ni si celle-ci se trouvait dans l’impossibilité de trouver un travail.

La Cour d’appel n’aurait donc pas expressément vérifié si Marie-Sibylle se trouvait « dans le besoin ». 

En réalité, sa soeur était diplômée et avait déjà occupé des postes prestigieux. Cela devait démontrer sa capacité à s’assumer financièrement. Selon Arnault, elle avait délibérément choisi de profiter des largesses de sa mère.

La Cour d’appel se serait bornée à examiner les revenus annuels de Micheline, pour constater que les sommes versées par celle-ci à sa fille à raison de 36 000 euros par an, ne dépassaient pas le domaine de l’obligation alimentaire.

Elle aurait dû rechercher quels étaient les réels besoins de Marie-Sibylle et si les sommes versées à cette dernière étaient strictement proportionnelles à ses besoins.

L’argumentation d’Arnault semblait assez pertinente…

Toutefois, la Cour de cassation, qui ne statue qu’en droit et non en fait, a rejeté le pourvoi d’Arnault, en considérant que l’aide alimentaire procurée par un parent à son enfant, dans une proportion raisonnable c’est-à-dire sans atteinte à son capital, n’est pas une donation au sens successoral du terme de sorte qu’il n’y a pas obligation au rapport des sommes versées à la succession :

«  Mais attendu qu’après avoir relevé que Mme Y… divorcée en 1990 et sans emploi depuis 1992, a bénéficié de l’aide de sa mère qui a payé son loyer et lui a servi une modeste pension alimentaire mensuelle, l’arrêt retient que par cette assistance financière représentant environ 10% de ses revenus, sans atteinte à son capital, la défunte, qui a fait figurer les sommes versées dans ses déclarations fiscales, a entendu respecter son obligation alimentaire envers sa fille, sans que son intention libérale ne soit établie  ; que la cour d’appel a ainsi également justifié sa décision ».

Cette décision évinçant la qualification de donation procède du bons sens dans la mesure il ne serait pas équitable ni légitime qu’un enfant qui bénéficie d’une assistance financière provisoire de ses parents parce qu’il est dans le besoin, soit obligé, à l’ouverture de la succession, de restituer à son cohéritier ce qui ne s’apparente qu’à une aide familiale provisoire, n’ayant pas concouru à l’enrichissement direct de l’aidé, ni à l’appauvrissement notable de l’aidant.

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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