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Modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la succession Droit des assurancesModification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie

Août

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Modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie

La modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie par voie de lettre testamentaire autonome

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 13 juin 2019 (pourvoi n° 18-14.954, publié aux bulletin) assez significatif quant aux modalités de changement de bénéficiaire d’assurance-vie.

En cette espèce, Monsieur K avait souscrit un contrat d’assurance-vie auprès de la société Gan vie. Dans un premier temps, il avait désigné son fils, Monsieur Q ou à défaut, son épouse, Madame T comme bénéficiaire du capital garanti.

Dans une lettre du 20 juin 1982, il avait fait part à l’assureur de la modification de la clause bénéficiaire en faveur de son épouse uniquement.

Par testament du 10 août 1987, Monsieur K a révoqué toute donation faite au profit de Madame T de laquelle il s’était séparé, la privant de tout usufruit sur les biens de sa succession et a institué son fils, légataire universel.

Dans un écrit autonome daté du 29 juillet 1987 et signé, Monsieur K avait en outre expressément indiqué que le capital de son assurance-vie revenait à son fils.

Modification de la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie - Avocat à Cannes - Maître AntebiSuite au décès de M K, Madame Mme T, sa conjointe survivante, a obtenu de l’assureur le règlement du capital garanti d’un montant de 132 379,41 euros, qui lui a été versé le 17 octobre 1991.

Le fils du défunt, M Q, se prévalait de l’intention de son père de le désigner en définitive comme unique bénéficiaire du contrat d’assurance-vie en vertu de l’écrit du 29 juillet 1987, signé par son père, bien que manifestement non connu de l’assureur.

Il agissait contre la conjointe survivante et demandait sa condamnation à lui attribuer la somme de 132 379,41 euros sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle, la faute consistant à conserver les fonds malgré la connaissance qu’elle avait de la lettre du 29 juillet 1987 et contrevenant ainsi aux dernières volontés du défunt, de sorte qu’il en résultait un préjudice au détriment du bénéficiaire évincé équivalent au montant du capital-décès.

La cour d’appel constate que l’écrit du 29 juillet 1987 avait été envoyé à l’assureur le 18 octobre 1991, soit après le décès du souscripteur, ce dont il résultait que l’assureur n’en avait pas connaissance du vivant de l’assuré.

Elle prononce la condamnation de la veuve à verser l’équivalent du montant du capital perçu, avec intérêts légaux à compter de l’assignation et capitalisation en application de l’article 1154 du Code civil.

La cour de cassation casse l’arrêt d’appel en toutes ses dispositions pour ne pas avoir tiré les conséquences légales de ses constatations et violé l’article L 132-8 du Code des assurances selon lequel « l’assuré peut modifier jusqu’à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance sur la vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque et que l’assureur en a eu connaissance ; qu’en l’absence de désignation d’un bénéficiaire dans la police ou à défaut d’acceptation par le bénéficiaire, le contractant a le droit de désigner un bénéficiaire ou de substituer un bénéficiaire à un autre ; (…) que cette désignation ou cette substitution peut être réalisée soit par voie d’avenant au contrat, soit en remplissant les formalités édictées par l’article 1690 du code civil, soit par voie testamentaire ».

La Cour de cassation a donc estimé que la cour d’appel aurait dû tirer les conséquences de la lettre du 29 juillet 1987 qui devait juridiquement s’analyser comme un testament révocatoire en faveur du fils du souscripteur.

Elle sous-entend que ce document valant testament olographe, n’avait pas à être obligatoirement porté à la connaissance de l’assureur du vivant du souscripteur.

En effet, il s’agit d’un document manuscrit, daté et signé par son auteur, qui exprime clairement l’intention de ce dernier de révoquer la clause bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, en ce qu’il a pu valablement détruire l’attribution initiale du capital garanti en faveur de l’épouse, ce qui apparaissait cohérent dans un contexte de séparation.

Cet écrit a été établi avant le décès par le testateur lui-même et bien qu’il n’ait été porté à la connaissance de l’assureur qu’après le décès, il est qualifié de testament et il peut suffire à révoquer la clause bénéficiaire précédente.

En cette espèce, l’assureur n’a pas commis de faute préjudiciable dans la mesure où ni le souscripteur, ni le notaire, ni l’épouse ni même l’exécuteur testamentaire désigné n’avait pris la précaution de lui envoyer la lettre révocatoire afin de l’en informer.

Bien que non porté à la connaissance de l’assureur du vivant du souscripteur, la cour d’appel aurait dû caractériser que cet écrit constituait un testament olographe révocatoire et aurait dû en tirer les conséquences légales au vu des dispositions de l’article L 132-8 du Code des assurances.

Publié par Me Ronit ANTEBI Avocate au barreau de Grasse

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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