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Secret professionnel, communication de testament et notaire

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionSecret professionnel, communication de testament et notaire

Juin

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Secret professionnel, communication de testament et notaire

Au décès d’un oncle ne laissant aucune postérité en ligne directe, seulement deux neveux à égalité de rang, plusieurs testaments successifs avaient été recensés par le notaire. Le dernier établi un mois avant le décès de son auteur avait été contesté en justice en ce qu’il instituait légataire universel le second neveu qui n’avait nourri aucun lien familial avec son oncle tandis que le premier habitait près de chez lui et s’était occupé de lui, voyant son état de santé décliner gravement.

Mais avant cela, le premier neveu désireux de contester le legs universel s’était heurté à un obstacle de poids qu’il n’aurait pas subodoré. En effet, le neveu bénéficiaire du legs universel a choisi un notaire en lui demandant de faire exécuter le testament dernier en date à son profit. Or ce notaire adoptait un comportement très protecteur des intérêts de son client et refusait de communiquer ce testament ultime au premier neveu. De sorte que celui-ci ne pouvait pas se prévaloir d’une preuve et ne pouvait pas faire valoir ses droits légitimes en justice, s’il souhaitait contester la validité de ce testament qui revenait sur les dispositions antérieures de son auteur.

D’où la question de savoir si le refus du notaire de communiquer le testament à l’un des deux neveux (non bénéficiaire du legs) s’apparentait à une faute délictuelle pouvant donner lieu à une indemnisation en raison de la privation du droit d’ester en justice, notamment du droit d’agir en annulation dudit testament sur le fondement de l’insanité d’esprit.

La Cour d’appel a adopté un raisonnement qui met en avant le secret professionnel du notaire.

Attendu qu’il résulte des articles 1435 et 1436 du Code de procédure civile, que les officiers publics et ministériels et les autres dépositaires d’actes ne sont tenus de délivrer expédition ou copie des actes qu’aux parties elles-mêmes, un héritier ou un ayant droit et que lorsque le demandeur n’est pas une partie, un héritier ou un ayant droit, l’article 23 de la loi du 25 Ventôse an XI prévoit que les notaires peuvent y être autorisés en vertu d’une ordonnance du président du Tribunal Judiciaire.

Que ces dispositions sont le corollaire du secret professionnel général et absolu auquel sont tenus les notaires et qu’ils doivent respecter sous peine d’engager leur responsabilité.

Or, il est constant que le demandeur avait la qualité d’héritier et qu’il se trouvait évincé de la succession de son oncle par ce testament dont il réclamait communication.

La Cour d’appel d’Orléans a estimé que son droit à obtenir communication du testament litigieux devenait de ce fait discutable au regard des dispositions précitées, et le notaire ne pouvait de sa propre initiative lui en délivrer copie sans risquer d’enfreindre son obligation au secret professionnel, ainsi que l’a rappelé la Garde des Sceaux dans une réponse ministérielle du 30 décembre 2002, reprise dans un avis du CRIDON du 1er février 2011.

Que la jurisprudence ancienne, sur laquelle le premier juge s’est fondé pour retenir la responsabilité du notaire, est basée sur le droit à la preuve de l’héritier exhérédé et l’intérêt qu’il y a pour lui d’obtenir cette communication pour lui permettre d’engager éventuellement une action en nullité du testament sur le fondement de l’article901 du Code civil.

Que toutefois, la Cour de cassation a récemment rappelé que le droit à la preuve découlant de l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ne peut faire échec à l’intangibilité du secret professionnel du notaire, lequel n’en est délié que par la loi, soit qu’elle impose, soit qu’elle autorise la révélation du secret (civ. 1ère, 4 juin 2014, n°12-21-244, publié au Bulletin).

Dès lors le notaire ne pouvait pas communiquer le testament au premier neveu sans avoir reçu une autorisation judiciaire. Il ne manquait pas à son devoir d’impartialité en s’apprêtant à faire application des dispositions du testament établi en faveur du légataire universel.

Au vu de ce qui précède, le secret professionnel du notaire fera échec à la communication du testament à l’héritier lésé qui a besoin d’en recevoir une copie pour le contester, le cas échéant. Cette situation peut paraître inégalitaire puisque les deux neveux sont de même rang et leur situation n’est pas équivalente du point de vue du droit à la preuve. De plus, les juges du fond ont considéré que le neveu non bénéficiaire du legs universel n’était ni héritier, ni ayant droit. Une action en référé sera donc nécessaire pour obtenir communication d’un testament au neveu non légataire universel, que les juges ne considèrent pas comme héritier ou ayant droit. Pour autant, si l’oncle n’avait pas établi de testament, les deux neveux seraient héritiers non réservataires et se seraient partagé la succession à défaut d’autres héritiers. Le notaire n’a donc pas été considéré comme fautif de cette absence de communication.

Ronit ANTEBI Avocat en droit des successions à Cannes

Publié le 25 juin 2018

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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