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Les juges peuvent requalifier une donation-partage en donation simple

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionLes juges peuvent requalifier une donation-partage en donation simple

Nov

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Les juges peuvent requalifier une donation-partage en donation simple

On sait que la donation que peut consentir un parent au profit de son enfant est en principe rapportable à la succession au jour du décès du donateur. Elle est présumée correspondre à une avance sur sa part héréditaire, remboursable, le moment venu. L’exception tient au fait que le donateur a pu insérer dans son acte notarié valant donation une clause de dispense de rapport au profit du donataire.

Dans un arrêt du 20 novembre 2013 (civ 1ère, pourvoi n° 12-25681, Légifrance), la Cour de cassation a cependant admis la possibilité (certes assez exceptionnelle) de requalifier une donation-partage en donation simple rapportable.

En l’espèce, une veuve avait fait une donation « à titre de partage anticipé » à ses trois enfants, de tous ses droits dans les immeubles dépendant de la communauté ayant existé avec son mari. Elle posait la condition selon laquelle l’un des fils devra accepter la licitation (vente aux enchères) de ses droits dans les immeubles de la communauté et dans ceux dépendant de la succession de son père décédé au profit de sa sœur et de son frère moyennant un prix déterminé dont les modalités de paiement étaient fixées.

La veuve est ensuite décédée.

Le partage judiciaire des successions des parents a été demandé par la conjointe survivante et les enfants de l’un des fils donataire.

La Cour d’appel de Riom a dit que l’acte litigieux s’analysait bien en donation-partage en application de l’article 1075 du Code civil (dans sa rédaction antérieure à la loi du 23 juin 2006) selon lequel il n’y a donation-partage que dans la mesure où l’ascendant effectue une répartition matérielle des biens donnés entre les héritiers.

Et ce, même si en l’espèce, l’un fils donataire était obligé de liciter sa part à ses frère et sœur.

La Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel en considérant que l’acte litigieux n’attribuait que des droits indivis à deux des trois gratifiés. En cela, il n’opérait pas un réel partage matériel des biens entre les enfants qui restaient dans une indivision. De sorte que cette donation s’analysait en une donation entre vifs et donc rapportable en application des articles 893 et suivants du Code civil.

Le fils astreint à liciter sa part, se voit donc admis à demander le rapport des dons consentis à ses frère et sœur.

En réalité, la Cour suprême a jugé que l’acte soumis à son examen ne réalisait pas une réelle répartition matérielle des biens entre les donataires.

Bien entendu, la requalification n’est intervenue qu’en raison de ce que le donataire qui s’estimait lésé, eu égard aux autres membres de la fratrie, avait décidé de diligenter une action en justice.

Une telle requalification ne sera jamais l’œuvre d’un notaire, qui n’est pas juge.

Afin d’éviter toute contestation en justice, le mieux est de rappeler dans la donation-partage qu’en cas de requalification, le rapport se fera sur la quotité disponible et non sur la réserve des héritiers et ce, afin que le donataire gratifié n’ait pas à devoir restituer à la succession ce qui excède sa réserve et afin qu’il conserve ce qui est sensé avoir amputé la quotité disponible.

Ronit ANTEBI Avocat en droit des successions à Cannes

Publié le 22 novembre 2018

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

Comments (5)

  1. je crois que je suis dans un cas similaire où je compte demander la requalification d’une donation-partage en donation entre vifs. Ma soeur a eu un appartement par donation partage avec la nue-propriété, notre mère conservant un usufruit sur le bien en novembre 1987. Elle occupe ce bien depuis (et même avant, en fait depuis aout 1981) sans payer le moindre loyer et la moindre charge, soit depuis 39 ans (en tous cas au moins 37 ans depuis la donation-partage).

    1. Notre mère décédée le 6 novembre dernier a procédé à 2 donations (septembre 1986 pour moi entre vifs, et pour mon frère et mes deux soeurs par donation-partage; les parts non évaluées étant fixées par cette dernière à 150000 francs (ou 22925 euros). J’estime qu’il n’y a pas eu de répartition harmonieuse de ces biens suite à l’occupation et gratuité de l’occupation donnée à notre soeur après cette date pour l’appartement qu’elle a reçu. De fait son bien serait évalué aujourd’hui à la date de donation du 5 novembre 1987 (alors qu’il vaut à minima 170000 euros aujourd’hui) et celui qui m’a été donné entre vif évalué à la date du 6 novembre 2020 à 170000 euros alors que j’ai fait pour 560000 francs de travaux (ou l’équivalant de 85588 euros en septembre 1987). J’ai du réhabiliter complètement ce bien familial en corse dans une vieille bâtisse (factures disponibles). Sur l’acte de donation-partage du 5 novembre 1987, ma précédente donation des 13 et 15 septembre 1986 est rappelée. J’estime que de fait, notre soeur hérite d’un appartement … et de la valeur « d’un autres appartement » par la gratuité du loyer et des charges pendant 37 ans, ce qui équivaut très largement à une période permettant d’acquérir un autre bien. Que puis-je faire ? Merci.

  2. Bonjour,
    Suite aux arrêts de cours de cassation de 2013, existe t-il un délai de prescription pour faire requalifier une donation partage en donation simple ?

  3. Bonjour,
    Nous essayons de régler une succession compliquée et les notaires ne sont pas d’accord entre eux…

    Après une première donation partage en 1998, une deuxième donation-partage a été faite en 2012, avec réintégration d’une partie des biens donnés dans la première.
    La première donation-partage peut elle être requalifiée en donation simple et les biens non-réincorporés peuvent ils être rapportables ?
    Merci pour votre aide

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