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Les retraits d’espèces au Distributeur Automatique de Billets

Par Maître ANTEBI – Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Les retraits d’espèces au Distributeur Automatique de Billets

Mme Agnès X était cotitulaire avec son fils Richard d’un compte ouvert à la Caisse d’Epargne.

Ce compte était exclusivement alimenté avec les revenus de la mère, qui percevait une pension de veuve de mineur.

Mme Agnès décédait le 30 mai 2010, en laissant 4 enfants pour lui succéder.

Des frictions sont intervenues entre les cohéritiers.

Ils ont assigné Richard, le cotitulaire du compte bancaire de leur mère, en partage judiciaire.

Ils lui ont reproché d’avoir opéré des retraits pour ses besoins personnels directement sur le compte qu’il avait en commun avec leur mère, et l’ont poursuivi en rapport et au titre du recel successoral.

La Cour d’appel a condamné Richard à rapporter à la succession de Mme Agnès X la somme de 68 958 euros outre les intérêts légaux, tout en le privant de ses droits sur cette somme.

Un pourvoi a été intenté.

La Cour de cassation a jugé que la question de savoir si les retraits opérés par Richard à compter de 2004 recelaient un recel successoral relevait de l’appréciation souveraine des Juges du fond.

Les retraits d’espèces au Distributeur Automatique de BilletsLa Cour d’appel a donc pu juger à bon droit que les retraits opérés par Richard à une époque où sa mère ne pouvait plus se déplacer ni utiliser sa carte bancaire, excédaient largement les besoins alimentaires et d’entretien d’une personne âgée, que Mme Agnès X avait entendu gratifier son fils, que ce dernier ne justifiait pas des prélèvements effectués sur le compte depuis le 1er janvier 2010, et qu’il en résultait une condamnation au rapport de dons d’argent et au recel successoral.

En outre, le compte bancaire fonctionnait principalement au moyen de paiement par carte bancaire pour procéder à des retraits en espèces. Madame Agnès X avait de faibles besoins puisqu’elle bénéficiait d’avantages accessoires (logement gratuit, prise en charge de frais médicaux).

L’analyse des relevés de compte depuis l’année 2000 révèle qu’à compter de l’année 2004, des prélèvements hebdomadaires ont été réalisés dans un magasin de grande surface pour des montants qui excèdent les besoins alimentaires et d’entretien d’une vieille dame, fût-elle coquette ?

En outre, il n’est pas contesté que Mme Agnès X ne disposait pas de véhicule automobile et que ses fils et petits-enfants effectuaient son ravitaillement.

Le montant des paiements effectués au moyen de la carte bleue s’établit, pour les années 2004 à 2009, à la somme de 74 108€. Il constitue, pour la proportion de 3/4 eu égard aux besoins d’une dame âgée de 84 ans en 2004 et 89 ans en 2009, une donation indirecte qui justifie le rapport à la succession par Richard.

De même, s’il peut être admis que Madame Agnès X participe aux frais d’essence pour ses divers déplacements, cette contribution ne saurait justifier la prise en charge de plein d’essence qui correspond à une utilisation quotidienne d’un véhicule automobile.

La Cour dispose d’éléments suffisants pour fixer à 70% de ces prélèvements, au titre des donations indirectes, le rapport de Monsieur Richard à la succession.

De plus, Madame Agnès X a été hospitalisée à la fin de sa vie, à l’âge de 90 ans.

A son admission, elle présentait un état d’anémie, des escarres et elle manifestait de la tristesse, des pleurs. Elle était devenue anorexique. Ainsi, n’était-elle plus en état, au moins pour les derniers mois de sa vie, de se déplacer ni d’utiliser sa carte bancaire. Il s’en déduit que l’intégralité des prélèvements effectués sur son compte entre le 1er janvier 2010 et le 30 mai 2010 ont été réalisés par Monsieur Richard ou de son chef.

Il est vain de soutenir, comme le fait Monsieur Richard, que compte tenu de son état de santé aggravé, Madame Agnès X revendiquait durant cette période, des besoins conséquents et le désir de procéder à de nouvelles gratifications en espèces à ses proches.

Si Richard soutient que les frais funéraires ont été réglés au moyen de ces prélèvements, il lui appartiendra alors d’en justifier devant le notaire désigné par cette Cour, qui procédera à l’établissement des comptes de la succession.

Le montant des prélèvements effectués sur le compte commun par Richard pour l’année 2010 s’établit donc à la somme de 10 134€ correspondant aux retraits en espèces.

On voit dans ce présent cas, que l’identification de l’auteur des prélèvements n’était pas équivoque puisque le fameux « Richard » était le cotitulaire du compte bancaire ouvert aux deux noms.
Il n’en est pas de même lorsque le porteur de la carte bancaire opère des retraits d’espèces sur un compte qui n’est pas le sien mais celui du défunt exclusivement.

Car la carte bancaire qui permet d’effectuer des retraits d’espèces au Distributeur Automatique de Billets est un outil qui s’utilise « au porteur ».

Dans ces conditions, comment établir que le porteur de la carte bleue était untel ou untel ? Comment savoir si l’auteur du retrait, en admettant qu’il ne s’agissait effectivement pas du titulaire du compte lui-même, n’aurait pas restitué les billets en espèces à ce dernier, après les avoir récupérés, de la main à la main ?

Les questions de preuve sont cruciales en matière de retraits d’espèces au DAB. Elles vont permettre de convaincre les Juges du fond (ou pas) de l’existence de dons manuels (si intention libérale) soumis au rapport à la succession, en sus de la peine du recel successoral. Si les retraits ont été opérés à l’insu du de cujus, sans intention libérale, l’enjeu pourra davantage prospérer au pénal (abus de faiblesse).

Cet arrêt de la Cour de cassation a pour mérite de donner espoir aux héritiers de récupérer le montant des sommes prélevées par carte bancaire, sous toute réserve des preuves à fournir.

Civ 1ère, 16 mars 2016, n° 15-14.055, Légifrance

Ronit ANTEBI Avocate à Cannes

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Le cabinet de Maître Ronit ANTEBI Avocat traite de nombreux dossiers en droit des successions dans toute la France et particulièrement dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Cette discipline du droit s’exerce le plus souvent à l’ouverture de la succession c’est-à-dire au jour du décès.

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