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Testament | Insanité d’esprit | Contradiction

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionLe testament, l’insanité d’esprit et la contradiction

Oct

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Le testament, l’insanité d’esprit et la contradiction

La Cour de cassation, en sa première chambre civile, a rendu un arrêt le 8 mars 2017 pourvoi n° 16 11.133 publié sur Légifrance.

Elle montre comment les juges du fond apprécie l’insanité d’esprit compte tenu des pièces versées aux débats.

En l’espèce, M est décédé en 2012 en l‘état d’un testament olographe instituant X légataire universel, lequel a été envoyé en possession par une ordonnance présidentielle du 20 février 2012.

L’héritier du défunt a sollicité le prononcé de la nullité du testament valant legs universel sur le fondement de l’insanité d’esprit.

La cour d’appel de Pau le 24 novembre 2015 a rendu un arrêt infirmatif par laquelle elle a accédé à cette demande et condamné le légataire universel à restituer le legs perçu depuis l’envoi en possession.

Le négateur universel a intenté un pourvoi en cassation en invoquant l’article 414- 1 du Code civil selon lequel il faut, pour faire un acte valable, être sain d’esprit. C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte.

L’héritier du défunt assure que dès avant l’hospitalisation, le testateur était dépressif, porté sur l’alcool depuis le décès de sa mère en mars 2010, ne jouissait plus de toutes ses facultés mentales, ce dont a abusé une de ses relations.

Il soutient que le légataire universel reste particulièrement discret sur les circonstances dans lesquelles les deux écrits auraient été remis au notaire, le 9 décembre 2011.

Le bénéficiaire du legs universel prétend avoir retrouvé un « brouillon » de testament daté du 3 octobre 2011 mais ce document n’a pas été produit devant la Cour alors pourtant qu’il est énoncé dans son bordereau de pièces.

Le légataire universel a fait procéder à un premier examen graphologique desdits documents auprès d’un membre du syndicat des graphologues professionnels européen et dans un rapport du 21 avril 2012, ce spécialiste notait que l’écriture était très désorganisée, à peine lisible, avec une prise de possession de l’espace aberrante et des confusions au niveau de la rédaction.

L’ensemble révèle une véritable et sérieuse atteinte neuropathique remettant en cause les fonctions intellectuelles du scripteur, ses capacités de jugement et de résistance à une influence extérieure.

L’expert judiciaire désigné par jugement du 7 août 2013 conclut en revanche que les deux testaments olographes étaient de la main du défunt et qu’ils n’étaient donc pas des faux.

Cependant il relevait aussi « une mise en page désordonnée », « un graphisme au tracé vacillant », avec des « irrégularités de pression, de dimension et de forme ».

S’agissant de la mention « fait à … », il notait une différence de pression avec un tracé plus ferme et appuyé, laissant penser qu’elle avait été ajoutée ultérieurement, le document ayant vraisemblablement été écrit en plusieurs étapes.

Ainsi donc, à supposer que le testateur soit le seul scripteur des pièces litigieuses, leur examen révèle en tout cas qu’elles ont été rédigées par une personne au moins en grande difficulté physique ou psychique qui a d’ailleurs été incapable de les écrire d’un seul trait, en dépit de leur brièveté.

Par ailleurs, le légataire universel versait aux débats le dossier médical ainsi qu’un rapport établi par le docteur inscrit sur la liste des experts de la cour d’appel auquel il a demandé de procéder à l’analyse du dossier.

Ce spécialiste conclut que le patient a beaucoup souffert avec des phases intermittentes d’agitation et d’accalmie et surtout d’états confus.

Il note une succession d’états pathologiques : hypoglycémie, hyperthermie due à des infections itératives en rapport avec le syndrome malin dont il était atteint, responsable d’une labilité émotionnelle et cognitive entraînant une alternance de période de conscience et de confusion.

Dans le cahier des infirmières, il est révélé que, dès le lendemain de son hospitalisation et jusqu’au décès, le patient était généralement agité, agressif insultant, opposant, confus, incohérent et inaccessible à la discussion.

Le testament, l’insanité d’esprit et la contradictionCe comportement est signe d’une santé mentale, physique et physique altérée même s’il est écrit que dans la nuit du 4 au 5 décembre 2011, le patient est « bien cohérent » « il parle de son testament et réclame des feuilles blanches pour écrire ce qu’il avait commencé cet après-midi, doit recontacter son notaire ».

Cependant, si les testaments litigieux avaient effectivement été écrits à ce moment, on ne voit pas pourquoi ils porteraient la date du 8 décembre 2011, jour où les infirmières précisent que M a souffert de saignements dans la matinée ayant débuté la nuit précédente, puisqu’il a refusé de prendre son traitement, ce qui, dans le contexte de la pathologie, démontre son insanité d’esprit à ce moment précis.

Ainsi donc, l’étude intrinsèque des testaments corroborés par les circonstances entourant leur rédaction, permet de conclure qu’ils sont le fait d’une personne souffrant de troubles de tous ordres notamment mentaux.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi est dit que la cour d’appel a correctement statué en considérant que les pièces versées aux débats étaient suffisantes pour caractériser la réalité des troubles mentaux venant appuyer la thèse de la nullité des testaments litigieux et qu’il n’y avait pas de violation à la règle du contradictoire.

Ronit ANTEBI Avocate
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