L’obligation de ne pas dénaturer un testament
L’obligation de ne pas dénaturer un testament
La Cour de cassation, première chambre civile, formation restreinte, a rendu un arrêt le 8 janvier 2021, pourvoi n° 19 16 392, publié au Bulletin des arrêts de la Cour de cassation :
F Y est décédée le … sans héritier réservataire, en l’état de plusieurs testaments olographes successifs dont un daté du 30 janvier 2012 désignant M M en qualité de légataire universel et d’un autre daté du 24 février 2013, instituant légataire universelle Mme V … fille de son époux prédécédé.
Madame V et Monsieur M ont été envoyés en possession de leurs legs.
Madame V a assigné Monsieur M pour voir juger que le testament du 24 février 2013 annule et révoque celui du 30 janvier 2012.
La cour d’appel a dit que les testaments successifs étaient incompatibles entre eux et a, en conséquence, jugé que le testament du 24 février 2013 annule le legs universel qui lui a été consenti par testament du 30 janvier 2012.
En effet, le second testament déclare instituer Mme V légataire universelle en précisant « en conséquence, après mon décès, je lui lèguerai tous mes biens mobiliers et immobiliers qui composeront ma succession ». L’arrêt d’appel en a déduit que le défunt souhaitait que Mme V recueille l’intégralité de ses biens, à l’exclusion de toute autre personne.
M M soutenait que la cour d’appel avait dénaturé les termes clairs et précis du premier testament l’instituant légataire universel.
La Cour de cassation lui a donné raison :
« En statuant ainsi alors que dans l’acte en cause, il était écrit « En conséquence après mon décès, je lui lèguerai mes biens mobiliers et immobilier qui composeront ma succession », la cour d’appel qui a dénaturé cet acte par adjonction du mot « tous », a violé le principe susvisé » et notamment l’article 1103 du code civil.
De sorte que le testament postérieur ne révoque pas celui antérieur car ils ne portent pas tous les deux, sur le même objet, à savoir l’intégralité de la succession.
En conséquence, les deux testaments successifs ont vocation à s’appliquer et ils ne se contredisent pas l’un et l’autre.
Cela signifie que le second testament consenti à Mme V n’est pas considéré comme un legs universel puisqu’il ne fait pas référence à « tous » les biens meubles et immeubles du défunt. Il se peut qu’il soit considéré comme un legs particulier portant sur « les biens mobiliers et sur un bien immobilier » seulement, le reste de la succession pouvant être dévolu à une autre personne de manière indéterminée, et notamment, en l’occurrence, à M M, en qualité de légataire universel.
D’où la nécessité de bien rédiger les testaments, afin de ne pas mettre le juge, éventuellement saisis d’une question d’interprétation, devant l’obligation parfois délicate, de ne pas dénaturer l’acte qui lui est soumis.
Ronit ANTEBI Avocate