La Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 27 juin 2018 (civ 1ère, 27 juin 2018, pourvoi n° 17-21.058, Légifrance) aux termes elle admet qu’un légataire universel puisse agir en recel successoral contre un autre légataire universel pour des dons manuels non rapportés alors même que les textes du Code civil réservent naturellement l’action en rapport aux cohéritiers.
Marcel est décédé sans laisser d’héritier par le sang.
Il a établi un testament authentique instituant légataires universels X et Y.
Des difficultés se sont élevées à l’occasion de la liquidation et le partage de sa succession.
X a attrait Y en recel successoral, lui reprochant d’avoir bénéficié du défunt de remises de chèques et de retraits par carte bancaire et de ne pas avoir déclaré de telles libéralités à la succession.
L’arrêt d’appel a rejeté le recours de X en considérant qu’il n’y avait pas de recel dès lors que le rapport n’est dû que par le cohéritier à son cohéritier (article 857 du Code civil).
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en faisant grief aux juges du fond de n’avoir pas recherché si les avantages consentis par Marcel à Y sous forme de remises de chèques et de retraits par carte bancaire (soit 195 000 euros et 13 200 euros) ne constituaient pas des libéralités rapportables dont la reconnaissance exige la preuve de l’intention libérale.
L’article 778 du Code civil prescrit en effet que « lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l’héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part ».
La particularité de ce contentieux est qu’il s’inscrit entre deux légataires universels et non pas entre deux héritiers réservataires.
Est-ce qu’un légataire universel peut engager une action en recel successoral contre un autre légataire universel alors qu’il ne peut engager contre lui une action en rapport ni en réduction ?
Selon l’article 857 du Code civil, « le rapport n’est dû que par le cohéritier à son cohéritier ; il n’est pas dû aux légataires ni aux créanciers de la succession ».
X soutient que le recel peut être invoqué aussi bien contre un héritier ab intestat que contre un légataire universel ; les juges du fond devaient s’assurer que les remises de chèques et les retraits bancaires pouvaient être qualifiés de dons manuels donc de libéralités avec animus donandi dont le rapport est dû dès lors que le bénéficiaire a l’obligation de déclarer ce qu’il a reçu.
Les juges du fond devaient donc ordonner la restitution par Y des sommes correspondant aux remises de chèques et retraits.
La Cour de cassation a admis que l’action en recel successoral pouvait prospérer entre deux légataires universels et que l’un d’eux pouvait être condamné à restitution des sommes non déclarées.
Le receleur est considéré comme « acceptant » et en même temps, il est déchu de ses droits sur les sommes recelées.
En cela, la jurisprudence a tendance à assimiler les héritiers réservataires aux légataires universels et à leur réserver le même sort.
Publié le 1er février 2022
Ronit ANTEBI Avocate