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Donation & œuvre d’art

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Jan

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La donation et l’œuvre d’art

Selon l’article 953 du Code civil

La donation entre vifs ne pourra être révoquée que pour cause d’inexécution des conditions sous lesquelles elle aura été faite,

Selon l’article 954,

Dans le cas de la révocation pour cause d’inexécution des conditions, les biens rentreront dans les mains du donateur, libres de toutes charges et hypothèques du chef du donataire ; et le donateur aura, contre les tiers détenteurs des immeubles donnés, tous les droits qu’il aurait contre le donataire lui-même.

L’action en révocation de la donation peut être intentée par le donateur ou ses héritiers.

Dans un arrêt rendu par la Cour de cassation (civ 16 janvier 2019, n° 18-10.603), la première chambre a eu à statuer sur les faits suivants :

Simon X avait consenti à l’association L’Incitation à la Création (IAC) une donation portant sur 14 œuvres.

Il précisait, par lettre du 5 mars 1987, adressée à son Vice-Président, que ces « ces œuvres ne pourront en aucun cas être revendues » et « qu’elles ne pourront être utilisées que pour des accrochages ou des expositions à caractère non commercial et non publicitaire ».

Simon X est décédé, laissant pour lui succéder son épouse, Mme X bénéficiaire de l’attribution intégrale en toute propriété des biens meubles et immeubles, ainsi que des droits patrimoniaux d’auteur, et ses cinq enfants issus de leur union, qui ont reçu la nue-propriété de ces droits et le droit moral.

Le droit moral se définit par le code de la propriété intellectuelle (L 121-1) comme suit :

  • L’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre.
  • Ce droit est attaché à sa personne.
  • Il est perpétuel, inaliénable et imprescriptible.
  • Il est transmissible à cause de mort aux héritiers de l’auteur.
  • L’exercice peut être conféré à un tiers en vertu de dispositions testamentaires.

La donation et l’œuvre d’art - Avocat à Cannes - Maître AntebiEn novembre 2012, l’épouse survivante découvre que les enfants vont procéder à une vente aux enchères d’une œuvre d’art de leur père à la requête de la société TOTAL LUBRIFIANTS.

L’épouse survivante a fait procéder à une saisie revendication des œuvres d’art.

Elle a fait assigner l’IAC, Monsieur A et la société TOTAL LUBRIFIANTS en révocation de la donation pour inexécution fautive des charges.

Les enfants sont intervenus volontairement à l’instance.

La conjointe survivante estime que la volonté de son époux tenant à l’absence de revente n’a pas été respectée.

La Cour d’appel de Versailles a dit que l’épouse survivante n’avait pas qualité à agir en révocation de la donation de l’artiste prédécédé puisque le droit moral avait été légué à ses enfants. Ces charges ne relèvent pas de la propriété matérielle des œuvres et ne peuvent être assimilées à des conditions grevant des donations mais relèvent du droit moral de l’artiste lequel a été dévolu à ses enfants.

La Cour de cassation a cassé cet arrêt d’appel en considérant que la donation portait sur des biens corporels dont l’action en révocation pour inexécution des charges telle qu’engagée par l’épouse survivante tendant à la restitution, de sorte que la Cour d’appel avait violé les textes susvisés.

Elle considère que l’épouse survivante, bien que non donataire du droit moral sur les œuvres, est recevable à agir en révocation de la donation.

Cette jurisprudence vise à éviter de vider de leurs substances les dispositions des articles 953 et 954 du Code civil, dont les actions possibles se réduiraient à « peau de chagrin » si d’aventure les conjoints usufruitiers ne pouvaient plus défendre la volonté de leur défunt époux. Ce d’autant que le conjoint survivant est considéré par le droit comme héritier du donateur.

Me Ronit ANTEBI Avocate en droit des successions

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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