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Responsabilité des assureurs-vie et libération des capitaux décès

Par Maître ANTEBI - Avocat à Cannes, Nice, Grasse, Antibes

Avocat à Cannes - Maître AntebiDroit de la successionLa responsabilité des assureurs-vie et la libération des capitaux décès

Août

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La responsabilité des assureurs-vie et la libération des capitaux décès

Dans un arrêt infirmatif rendu par la Cour d’appel de Versailles du 1er décembre 2022 (RG : 21/03104, Lexis Nexis), la responsabilité de la sté SOGECAP, assureur-vie, a été engagée par suite d’une libération des fonds à des bénéficiaires erronés.

En cette espèce, Veuve K a adhéré entre 1995 et 2003 à cinq contrats d’assurance-vie intitulés « Tercap » et « Sequoia » dont les clauses désignaient plusieurs bénéficiaires.

Si l’un des bénéficiaires mentionnés venait à décéder, sa quote-part devait être attribuée au légataire universel institué dans le testament authentique du 15 novembre 2007, à défaut aux héritiers de l’assuré.

Par testament authentique du 23 mars 2011, l’adhérent a modifié la clause bénéficiaire de ses contrats d’assurance-vie : « je supprime la clause bénéficiaire au profit de Messieurs H et W sui ne devront rien recevoir de ma succession. Les sommes qui devaient revenir à Messieurs H et W seront réparties entre les autres bénéficiaires désignés aux termes des contrats d’assurance-vie ».

L’adhérent est décédé le 6 février 2013.

La valeur globale des capitaux décès était de 4 852 884 euros.

La sté SOGECAP a procédé, le 21 mai 2013, au règlement des capitaux décès à Messieurs H et W désignés dans les clauses bénéficiaires originelles).

Le notaire a fait part à l’assureur de l’existence du testament du 23 mars 2011, supprimant Messieurs H et W des bénéficiaires en cause.

La responsabilité des assureurs-vie et la libération des capitaux décès - Avocat à Cannes - Maître AntebiLes bénéficiaires des assurances-vie ont enclenché une saisie conservatoire le 24 avril 2017 sur les avoirs de M H à hauteur des fonds perçus, laquelle n’a pas abouti.

Les bénéficiaires ont fait assigner la SOGECAP, Messieurs H et W et le notaire, devant le Tribunal judiciaire de NANTERRE afin d’obtenir restitution des fonds indument perçus par Messieurs H et W.

Les premiers juges ont condamné M W d’une part et M H d’autre part, à payer des sommes aux bénéficiaires des assurances-vie, avec intérêts au taux légal capitalisés, outre accessoires du procès.

Messieurs H et W ont interjeté appel du jugement afin de réformation, et subsidiairement ont formé recours en garantie à l’encontre de la sté SOGECAP pour l’ensemble des sommes susceptibles d’être mises à leur charge en principal, intérêts, capitalisation des intérêts, dommages intérêts et frais irrépétibles et répétibles.

La cour d’appel a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a condamné Messieurs H et W à restituer aux bénéficiaires désignés par testament authentique les capitaux perçus.

Sur la responsabilité de la SOGECAP :

Le tribunal avait considéré qu’il n’y avait pas lieu à condamnation de la SOGECAP en application de l’article L 132-25 du Code des assurances au motif qu’il a versé les fonds à des personnes non bénéficiaires mais qu’il était de bonne foi au moment du règlement.

Ces dispositions obligent alors les bénéficiaires véritables à exercer un recours non pas contre l’assureur de bonne foi mais contre les bénéficiaires apparents ayant perçu les sommes en lieu et place.

Comment déshériter son enfantMais, la simple lecture du contrat montre que le nom du notaire apparaissait dans les clauses bénéficiaires de sorte que la société SOGECAP aurait dû s’adresser à ce dernier pour savoir si un testament n’était pas venu modifier ce qu’elle savait des clauses bénéficiaires originelles.

Elles étaient ainsi rédigées : « si l’un des bénéficiaires mentionnés ci-dessus venait à décéder, sa quote-part serait attribuée au légataire universel institué dans le testament authentique en date du 15/11/2007 déposé en l’étude de Mme K (localité) ».

Ainsi, s’il est indiscutable qu’elle ignorait la modification des clauses bénéficiaires au moment de la délivrance des fonds, elle ne peut se prévaloir de sa bonne foi dans la mesure où c’est par sa faute qu’elle est restée dans cette ignorance.

Si la sté SOGECAP avait pris contact avec le notaire, cette précaution aurait évité la libération des fonds et donc cette situation dommageable.

Même si la sté SOGECAP n’a pas été avisée en temps utile par le notaire de la modification par testament des bénéficiaires, ses propres obligations devaient l’amener à procéder avec prudence et professionnalisme pour délivrer, en tant qu’assureur, des sommes aussi importantes que celles de l’espèce.

La Cour a donc infirmé le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’absence de toute responsabilité de la SOGECAP dans le processus qui a conduit au versement injustifié des capitaux.

Cette faute de la SOGECAP présente donc un lien de causalité direct et certain avec le préjudice subi par les bénéficiaires testamentaires puisqu’elle les a empêchés de recevoir, dès 2013, les capitaux décès auxquels ils avaient droit, la SOGECAP leur opposant à tort le paiement libératoire au profit des bénéficiaires ayant perçus le capital.

Les demandes présentées par les bénéficiaires évincés contre la SOGECAP ont été accueillies par la cour d’appel.

Au vu de ce qui précède, on peut voir que si le paiement par l’assureur de bonne foi est libératoire, la jurisprudence apprécie souverainement au regard des faits de chaque espèce, si l’assureur est de bonne foi.

L’assureur est de bonne foi lorsqu’il accomplit ses obligations professionnelles de prudence et de diligence.

Me Ronit ANTEBI

Avocate au barreau de Grasse

NOTE : Les articles élaborés par Me Ronit ANTEBI s'appuyant sur la jurisprudence et les textes en vigueur sont à jour à la date de leur rédaction. Ils ne s'auto-actualisent pas. Afin de tenir compte des évolutions législatives et jurisprudentielles, l'internaute est invité à toujours rechercher l'actualisation par tous moyens. Il n'est pas dispensé de solliciter une consultation juridique auprès d'un professionnel du droit.

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